Le Père Guézou, 57 ans auprès des plus pauvres en Inde du Sud
« Aider les plus défavorisés à retrouver un chemin de vie », une vocation
A sept ans, le petit François Guézou, extrêmement malade, dit à sa maman : « Ne t’inquiète pas maman, je ne peux pas mourir, je ne suis pas encore allé en Inde ». Quel est le destin de cet enfant qui fait une remarque aussi surprenante ?
François Guézou est né le 7 avril 1924, en Bretagne, dans une famille profondément croyante et pratiquante mais c’est en Inde qu’il va passer l’essentiel de sa vie, au service de milliers de jeunes exclus et de leurs familles, auxquels il va rendre la dignité et ouvrir un avenir. Remis de sa maladie, le jeune François va à l’école chez les Salésiens. Il y rencontre l’archevêque de Madras, Monseigneur Mathias, qui l’appelle « le petit indien » car l’anecdote de ses 7 ans est connue de tous.
Une mission en Inde du Sud
En 1952, devenu lui-même salésien, François GUEZOU quitte la France pour être missionnaire en Inde du sud où il est ordonné prêtre le 1er août 1953. Il choisit pour son ordination la parole d’évangile « Que tous soient un ».
Après trois années comme responsable des novices au Noviciat de Yercaud, il est envoyé à Cochin dans le Kérala (Sud Ouest de l’Inde) où il fait figure de pionnier en ouvrant un centre d’accueil pour les jeunes de la rue. Travailleur infatigable, pariant toujours sur la confiance, il réussit même avec les plus durs. Très aimé de tous, il demande au bout de 7 ans à être envoyé en mission ailleurs. Il insiste tant que bientôt son rêve devient réalité : Monseigneur Mathias, archevêque de Madras l’envoie assurer une présence chrétienne sur le Yelagiri, une montagne sauvage à l’ouest de Madras, où vivent des intouchables (des parias de la société indienne).
Il y arrive le 31 décembre 1962 avec une table, une chaise et 45 roupies (1 euro !) en poche données par un confrère. Pendant six mois, il cherche où s’installer mais se heurte à l’hostilité déclarée d’hindous extrémistes qui veulent faire du Yelagiri une montagne sacrée. Ignorant le dialecte local, souvent affamé, le Père Guézou ne manque pas une occasion de rencontrer les habitants. En 1963 il réussit à acheter un petit terrain et y construit une hutte. Mais les menaces de mort, les agressions et les coups de feu, sans compter les bêtes sauvages, ont raison de lui. Il s’enfuit et confie ses difficultés à Monseigneur Mathias qui s’exclame : « Splendide. Commencer une mission par un martyre ! Je vous y renvoie ».
François Guézou repart et ne ménage pas sa peine; il nivelle le terrain et creuse un puits. Il se rend utile auprès des villageois et met à leur service son don de sourcier ; tour à tour terrassier, constructeur de puits, agriculteur, et médecin, François qui se refuse à tout prosélytisme gagne peu a peu la confiance des habitants. Les années 1964-1965 sont des années de sécheresse et de famine terrible dans toute l’Asie méridionale. Le Père revient en France chercher de l’aide. Il reçoit le soutien inconditionnel d’un de ses amis, Léon Duhayon, grand industriel, qui lui dit : « Allez-y : je trouverai les fonds ». Une longue amitié démarre entre François revenu en Inde et Léon qui sillonne la France pour lever des fonds et qui va même jusqu’à gager sa maison pour affréter un cargo de riz. En voyant les conditions de vie misérables du peuple indien, François Guézou aboutit à la conclusion que seule l’éducation pourra vaincre la misère. Ses amis français partagent cet avis et le soutiennent depuis longtemps pour permettre la scolarisation des enfants les plus défavorisés.
Une mission possible grâce au soutien de ses amis français.
Grâce au Père Guézou et aux dons venus de France, la colline du Yelagiri et bien d’autres lieux ont maintenant trouvé leur place sur la carte des centres de formation en Inde. C’est ainsi que des milliers de jeunes parmi les plus exclus ont pu faire des études en Inde du Sud. Le Père Guézou a reçu le 19 Janvier 1995, à New Delhi, une très haute distinction marquant la reconnaissance de l’Inde entière :
» A cet ami de l’Inde, éminent éducateur œcuménique, ayant consacré toute sa vie à la cause du développement humain. »
L’action du Père Guézou est reconnue dans toute l’Inde. Le dernier Prix qu’il a reçu est un « Silver Jubilee Meritorious Service Award » (récompense pour ses 50 ans de service auprès des plus défavorisés) délivré par le Center for Rural Health and Social Education (Centre pour le développement de l’éducation et de la santé en milieu rural) en Août 2003.
Jusqu’à 85 ans, François Guézou a continué son oeuvre en ouvrant des écoles, des universités, des centres de formation informatique, des centres d’accueil pour les enfants des rues, des centres de soins, des ateliers professionnels.
Depuis son décès en Janvier 2009, un Père Salésien Indien, le Père Maria Ariokaraj continue l’œuvre activement en faveur des plus démunis.
L’Inde lui a rendu un grand hommage, des milliers de personnes de toute l’Inde du Sud étaient là à son enterrement. On estime entre 7000 et 8000 le nombre de personnes venues du Tamil Nadu, du Kerala et du Karnataka. Les habitants de la léproserie de Bargur furent également très nombreux à venir dire un dernier merci au père qui les avait toujours respectés dans leur humanité et avait tant fait pour eux.
Des gens de tous horizons, de toutes religions et de toutes convictions vinrent le pleurer. De nombreuses personnes avaient voyagé toute la nuit pour être là pour les obsèques. Environ 150 prêtres et une centaine de religieuses étaient présents. Ainsi, dans sa mort comme tout au long de sa vie, le père Guézou réalisait encore la devise qui fut toujours la sienne : « Que tous soient UN ».
De son vivant, il serrait les mains, ébouriffait les cheveux, donnait une bourrade, lançait une plaisanterie ou chuchotait un mot de réconfort, et donnait à chacun ce regard si aimant. Le Père Guézou a permis à un très grand nombre d’enfants des milieux les plus défavorisés (rejetés à cause de leur appartenance de caste, ou parce qu’ils sont nés «intouchables») d’arriver à l’âge adulte, libres de toute forme d’esclavage, avec un bagage leur permettant d’être autonomes et de vivre dignement.